Les deux batailles des Sables se sont déroulées respectivement les 24 et 29 mars 1793. Elles opposèrent les troupes républicaines commandées par le député Joseph-Marie Gaudin (1754-1818) à plusieurs milliers de paysans insurgés conduits par Jean-Baptiste Joly (1750-1796) dont le but était de s'emparer du port des Sables.
La ville des Sables a arboré le nouveau drapeau tricolore au mois de juillet 1789, après la prise de la Bastille. En ce début d'année 1793, la cité sablaise demeurait un "petit havre patriote" (selon l'expression d'Émile Gabory) dont les élites bourgeoises de négociants et d'armateurs étaient en grande majorité acquises aux idées de la Révolution. Quant à la population sablaise proprement dite, une lettre du 29 novembre 1792 adressée au citoyen Joseph-Marie Gaudin, député de la Convention, résume ainsi l'état d'esprit qui règnait alors aux Sables :
"Vous connaissez la population de la ville des Sables, elle est d'environ 6 000 âmes, nous en comptons environ la moitié pénétrée des vrais principes de la liberté et de l'égalité, l'autre moitié sans chérir le nouvel ordre des choses s'y soumet cependant avec tranquillité et sans murmure ; l'élan du patriotisme est comme partout dans le département de la Vendée, peu vif et peu bruyant, il faut beaucoup de choses pour émouvoir le Sablais, son caractère penche vers le repos et la tranquillité, aussi notre ville n'a point éprouvé de ces secousses violentes, la différence des opinions politiques n'a jamais excité de fermentation, celle des opinions religieuses en a parfois excité davantage, surtout chez les femmes dont le caractère est très enclin à la superstition"[...].
Lorsque la nouvelle de l'exécution du Roi Louis XVI est arrivée aux Sables, les autorités restaient confiantes mais vigilantes, comme en témoigne cette lettre adressée au Procureur syndic Biret le 26 janvier 1793 : "Citoyen, Votre lettre de ce jour nous fait part que vous avez été instruit que le jugement de Louis Capet a fait une impression profonde en cette ville et que les citoyens, particulièrement les marins, manifestent une sombre inquiétante consternation. Il ne faut pas se dissimuler procureur syndic que le jugement de Louis Capet a inspiré dans l'âme des citoyens de cette ville un bien vif intérêt et pour en juger il a suffit de remarquer l'affluence des citoyens qui a eu lieu au Club et à votre administration [...] mais citoyen nous n'avons pas eu d'agitations inquiétantes. Et rien encore n'annonce que nous soyons menacés d'insurrection pour cet objet".
La municipalité craignait davantage les conséquences de l'ordre de levée en masse décrétée par la Convention, de peur qu'elle "n'excite la fermentation parmi les marins". La population sablaise demeura calme, mais dans le même temps cette levée en masse allait exacerber les mécontentements accumulés depuis le début de la Révolution et pousser des milliers de paysans et d'artisans à se soulever contre la République.
Le 2 mars, le Conseil général de la commune indiquait qu'à Beaulieu "un rassemblement a eu lieu au nombre de plus de 211, que le tocsin sonnait en différentes paroisses, que des malveillants parcouraient et excitaient le paisible laboureur à lever l'étendard de la révolte".
À ce moment précis de l'insurrection, la ville des Sables n'était pas en mesure d'assurer sa propre défense puisque ni ses canons ni ses batteries n'étaient opérationnels ! Ainsi, le 13 mars, lorsqu'un trois-mâts est venu croiser dans la rade des Sables, celui-ci a pu tirer des coups de canons et faire différents signes aux insurgés sans que les batteries sablaises puissent répliquer.
Le 24 mars, à 16 heures, 6 000 insurgés sous les ordres de Jean-Baptiste Joly lancèrent leur première attaque sur la ville. Mais au bout de plusieurs heures de combat, les 800 combattants républicains réussirent à contenir l'assaut et forcèrent les assaillants à se retirer après avoir essuyé de nombreuses pertes.
Dans les jours qui suivirent, les renforts arrivèrent enfin et la ville était désormais protégée par plus de 1 100 hommes et 21 canons !
C'est finalement le 29 mars qu'eût lieu la seconde attaque de la ville comme l'a relaté la délibération du Conseil général de la commune rédigée le jour même :
"À 4h du matin, l'ennemi qui avait ouvert la tranchée dans la nuit a commencé son feu par trois coups de canon dirigés sur nos portes. Il lui a été à l'instant riposté de la même manière et le combat s'est ainsi engagé de la manière la plus vigoureuse et la canonnade a duré jusqu'à environ 8h30 ou l'un de nos boulets de canon dirigé sur leurs fourneaux à incendié leurs retranchements et fait sauter un baril de poudre. À l'instant, les ennemis ont pris la fuite à la débandade abandonnant leur artillerie, consistant en 21 pièces de tout calibre. La garnison est alors sortie sur deux colonnes et les a poursuivis jusqu'à une lieue de la ville. Les ennemis ont laissé sur le champ de bataille 3 à 400 hommes morts. S'est ainsi terminée cette fameuse journée qui devait naturellement entraîner la perte de cette malheureuse cité et la faire succomber sous le fer des brigands, et que le courage et l'intrépidité des habitants et de la garnison ont seuls sauvé du naufrage".
220 ans après ces événements, cette première grande victoire des "Bleus" apparaît comme un épisode important dans la poursuite de la guerre civile puisqu'elle a empêché les "Blancs" de s'emparer d'un port stratégique.
Le 17 avril 1793, Danton et les membres du Comité de Salut Public écrivaient aux administrateurs du District des Sables pour leur faire part de l'admiration qu'ils éprouvaient à l'égard du "courage héroïque qui anime les habitants de cette ville"...
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